La combinaison spatiale de Neil Armstrong enfin hors de danger !
La combinaison spatiale la plus célèbre de l’Histoire est sans aucun doute celle que revêtit Neil Armstrong, en ce fameux jour du 16 juillet 1969. Elle aura alors résisté au vide spatial, enduré une ballade extraterrestre et à réchappé à un aller-retour dans notre atmosphère. Pourtant, il est un ennemi auquel elle n’a pas su échapper, un ennemi imbattable et insurmontable : c’est le Boss final de n’importe quel matériau organique présent sur cette minuscule planète : le Temps. Le poids des années commençait à sérieusement se faire sentir, et tout ne se tenait plus comme au temps jadis.
Heureusement, les humains ont de la ressource. Et puis si on a réussi à aller sur la lune, on va quand même bien réussir à conserver un pyjama intergalactique
Conservées depuis leur retour sur Terre au Smithonian Air and Space Museum (SASM) de Washington, cela faisait donc 50 ans que les combinaisons des trois astronautes ayant été sur la lune, Héros d’une génération, tombaient silencieusement en décrépitude. En juillet 2015, le Musée décida alors de lancer une campagne de levée de fonds pour sauver la combinaison d’Armstrong.
Baptisée « Reboot the Suit » (« Relancez la Combinaison ». Ce n’est pas la traduction exacte, reboot étant difficilement traduisible), le kickstarter a levé plus de 700.000$ grâce au soutien de plus de 9.000 donateurs. Néanmoins une fois les fonds levés, la question demeure : COMMENT conserver un objet aussi fragile ?
Conservation d’une relique sacrée : Mode d’Emploi
Avec autant de moyens financiers, le SASM pouvait voir grand, et ils ne s’en sont pas privés : en plus de mettre en œuvre une meilleure conservation physique de la combinaison, ils ont également optés pour une numérisation en haute définition de celle-ci, grâce au scan 3D, pour en produire une copie virtuelle identique.
Afin d’éviter toute confusion, gardez-bien à l’esprit qu’il s’agit, pour la combinaison physique, de conservation et non de restauration. Le but étant donc de ralentir au maximum la dégradation.
Tout d’abord, pour perfectionner leurs techniques, les ingénieurs se sont attaqués au gant. Une cinquantaine d’images par rayons X furent prises pour estimer l’état du gant de manière générale. Ces clichés furent comparés à ceux pris dans les années 60 lors de la production, assurant ainsi que toute altération fût décelée immédiatement ou que rien n’ait été accidentellement laissé à l’intérieur.
Pour la suite, la tomodensimétrie (mesure de l’absorption des rayons X pour produire des images 2D ou 3D d’une structure anatomique) a également été utilisée pour produire une image claire de l’intérieur de la combinaison. Une analyse chimique des vêtements a quant à elle permis d’en mieux préserver certaines parties. Les fibres de soie composant le drapeau Américain présent sur l’épaule, par exemple, ont ainsi pu être stabilisées chimiquement pour éviter que ses couleurs ne se dégradent, et des points de coutures stratégiques ont renforcé la tenue générale de la combinaison.
Pour pouvoir exposer la combinaison une fois celle-ci restaurée, le Musée a même fait imprimer en 3D un mannequin modulaire sur-mesure, créé spécialement pour permettre à l’air de circuler correctement dans la combinaison pour éviter de piéger les gaz agressifs émis par la lente désintégration de la combinaison.
Figer la combinaison pour l’éternité grâce au scan 3D
Dans la numérisation 3D, le Smithonian n’en était pas à son premier coup d’essai : ils avaient déjà reproduit virtuellement le module de commande de la fusée Apollo 11 afin que les internautes puissent le visiter sur internet. Leur objectif avec la combinaison est, une fois celle-ci modélisée, de pouvoir l’explorer en 3D comme on visiterait un musée !
Pour scanner un objet en 3D il existe normalement plusieurs techniques. Mais dans un souci de qualité, certaines situations nécessitent plutôt l’une ou l’autre de ces manières de faire. Voici comment les ingénieurs ont résolu le problème pour être sûr d’avoir le meilleur résultat possible : ils ont utilisé toutes les techniques en même temps ! Quand on a les moyens…
Ils ont donc procédé à un scan par lumière structurée (on projette un motif lumineux sur l’objet et en observe les déformations pour en déduire le relief) pour générer un premier modèle simple de notre structure. Pour obtenir une géométrie encore plus précise ils ont ensuite utilisé le scan laser, qui leur a fourni un nuage de plusieurs centaines de milliers de points convertis en un maillage représentant la surface de la combinaison.
La photogrammétrie fût alors appliquée à son tour, donnant au futur modèle 3D une reproduction exacte des couleurs et des textures et une nouvelle structure à superposer et fondre avec celle produites grâce aux deux autres méthodes de scan.
Les difficultés majeures
L’équipe dût faire face à deux obstacles. Le premier est un vieil ennemi des spécialistes du scan 3D ; les surfaces réfléchissantes. La visière du casque, sphérique, est recouverte d’une fine couche d’or pour protéger l’astronaute des radiations solaires. Pour les ingénieurs chargés de sortir dans le vide spatial, c’est une bénédiction, mais pour ceux chargés de scanner la combinaison ensuite, c’est un véritable casse-tête…
Dans notre épopée, le scan par laser était celui sur lequel le Musée comptait pour produire le modèle 3D le plus détaillé. Mais malgré son tour de biceps et son assurance lorsque confronté à des surfaces en tissu, force fût de constater que devant cette visière plaquée or, notre scan laser haute précision regardait ailleurs en sifflotant nerveusement. En effet, plus la surface est réfléchissante, plus les rayons envoyés par le laser seront diffractés, causant ainsi un fâcheux bruit parasite dans les données recueillies. Il fallut donc procéder autrement, et pour recréer la visière les ingénieurs utilisèrent les données d’autres capteurs, en essayant de n’en extraire que les plus précises.
Le second obstacle fût rencontré lors de l’étape de tomodensimétrie. Car si les rayons X n’avaient pas de problèmes avec les portions de tissu et de caoutchouc, les parties métalliques présentes dans la combinaison se révélèrent bien plus épineuses. Dans le même esprit que notre visière, les rayons étaient dispersés en arrivant sur le métal, entrainant un bruit dans les données. Il fallut cette fois-ci faire appel à la rétro-ingénierie pour réussir à reconstruire précisément ces zones parasitées. Tout un programme !
Mais tout est bien qui finit bien et malgré ces difficultés, le Musée est arrivé au bout de sa numérisation 3D. La combinaison physique, elle, deviendra donc le clou d’une exposition prévue pour 2022 et baptisée « Objectif Lune » (Destination Moon), et pour visiter sa copie numérique sous toutes les coutures : c’est par ici ! Profitez-en également, grâce au bouton « interactive tour » en haut à gauche du lecteur, pour découvrir la combinaison de l’intérieur et afficher d’incroyables informations accompagnant votre visite.
On dit merci qui ? Merci Smithy !
Sources
https://spinoff.nasa.gov/spinoff1997/hm2.html
https://www.wired.co.uk/article/neil-armstrong-spacesuit-apollo-11
https://fr.wikipedia.org/wiki/Tomodensitom%C3%A9trie
Sources Images
All photos belong to NASA and the Smithonian Air and Space Museum