Comment numériser une carte de l’époque de Christophe Colomb

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Un objet rare, ça se manipule avec beaucoup de délicatesse. Un objet rare et très ancien, ça se manipule avec minutie et énormément de délicatesse. Mais un objet rare, très ancien et fin comme du papier, ça se manipule avec minutie, délicatesse et une attention qui frise la paranoïa… Suivez-nous dans cette aventure mêlant Histoire, scan et numérisation !

Un honneur, pour Christophe Colomb, d’être joué par Gérard Depardieu

         Un carte datant de 1493 représentant un continent découvert seulement quelques mois plus tôt ? Pas si vite !

Quoi que l’on pense de Christophe Colomb, que sa réputation de terreur sanguinaire aveuglée par l’or semblait suivre comme une ombre, une chose est sûre : il a fait partie de l’Histoire. En 1492, accompagné de trois navires d’exploration, Colomb débarque sur les côtes Américaines (convaincu d’ailleurs d’avoir atteint les Indes, d’où le nom « Indiens » pour les peuple natifs) et c’est un tournant dans l’Histoire de la civilisation Européenne, qui va ainsi passer du Moyen-Âge aux temps modernes.

Mais aaarrêtons notre monture immédiatement et descendons-en prudemment : cet article ne traitera pas des cartes inestimables décrivant le nouveau monde tel que les colons le cartographièrent ! Car si les cartes scannées et numérisées par les experts de Creekside Digital à Tampa Bay datent en effet de 1493, vous n’imaginez tout de même pas que tout ait pu aller aussi vite avec les technologies de l’époque !

En réalité, les nouvelles provenant d’endroits aussi éloignés du Vieux Continent étaient apportées par bateau, ce qui ralentissait considérablement la vitesse de transmission de l’information. De plus, une fois revenus à bon port, un cortège d’experts était désigné pour déterminer la véracité des propos relayés et des informations transmises. Et lorsqu’en fin tout était validé, alors ladite information était disséminée un peu partout, avec les moyens de l’époque (à cheval, à pied ou en motocross).

Voici la carte au centre de toutes les attentions aujourd’hui : le monde connu tel que représenté en 1493 (avant que la nouvelle du nouveau monde ne se répande)

Bien sûr, si nous devions aujourd’hui redécouvrir l’Amérique, un simple tweet et le continent entier serait instantanément au courant. Jadis, le temps d’incubation de l’information pouvait se chiffrer en années.

Mais là n’est pas l’important ! La question du jour était : COMMENT scanne-t’on un document aussi fragile qu’une carte pluricentenaire ? Est-il besoin d’utiliser un scan 3D ? Doit-on le faire à la pleine lune nu sous sa peau de bête ? Rentrons dans le détail.

          Un scan et une manipulation méticuleuse

Tout d’abord non, il n’est pas nécessaire d’utiliser le scan 3D pour une carte plane. Néanmoins, l’idée n’est pas si saugrenue si le but était d’étudier et analyser avec une précision inégalée le style des cartographes. En effet, la récente apparition de la photographie de peintures en gigapixel nous a montré que les œuvres les plus célèbres avaient encore bien de secrets à nous révéler lorsqu’on avait accès au moindre relief microscopique créé par le coup de pinceau de son auteur !

Dans le cas présent, le relief n’occupant pas une place centrale dans la problématique, une « simple » photographie en ultra haute définition suffit. Mais quelles sont alors les règles à suivre ?

La première règle lors de la manipulation de tels artefacts peut sembler contre-intuitive mais elle est néanmoins primordiale : ne surtout pas mettre de gants ! En rajoutant une couche de matière entre les terminaisons nerveuse de vos doigts et les cartes, vos sensations seraient amoindries et auriez plus de chance de faire un mouvement qui endommagerait la carte. Ayez également les mains bien sèches, pour ne pas créer de friction.

Ne pas éternuer, surtout ne pas éternuer…

Ensuite, étendez les cartes sur une table à vide (table créant le vide entre elle et ce qui y posé, assurant dans notre cas que la carte soit PARFAITEMENT à plat) puis enfin appelez les grosses cylindrées de votre studio photo.

Un appareil photo à 100 mégapixels muni d’une lentille de 90 millimètres, pour une résolution de 300 pixels par pouce (1 pouce = 2,54cm), et le moindre tracé sera observable en haute définition sur un écran de 2 mètres de diagonale. C’est ce qu’on appelle l’artillerie lourde. Et si vous ne pouvez pas prendre toute la carte d’un seul cliché, quadrillez-là en plusieurs photos et vous pourrez la reconstituer sur ordinateur.

          Comment des cartes vieilles de 500 ans peuvent-elle aussi résistantes ?

Quelques siècles en arrière, produire une carte en série était un procédé extrêmement fastidieux. Deux méthodes étaient utilisées : graver minutieusement sur un bloc de bois les détails de votre carte pour en produire un modèle en relief, en prenant bien soin de le faire à l’envers de façon à ce que quand vous mettrez de l’encre sur le bois et presserez la carte vierge dessus, l’impression finale soit bien représentée à l’endroit.

Vous pouviez aussi utiliser la technique de l’intaglio et graver sur un bloc de métal plat (généralement du laiton ou du cuivre) les sillons qui correspondront aux traits de votre carte. Versez ensuite l’encre dans votre relief négatif, raclez sa surface avec une règle, apposez la carte vierge, compressez et le tour est « joué ». Comptez plusieurs jours pour produire une carte correctement détaillée. Vous en conviendrez ; c’est tout de même autre chose qu’un simple scan suivi d’une numérisation et d’une impression, affaire de quelques heures tout au plus !

Au vu la complexité du procédé et de sa lenteur, le produit fini se devait donc au moins d’être aussi résistant que possible.

Tout d’abord, les cartes de l’époque étaient bien plus épaisses que celles que l’on sort en masse de nos usines. De plus, si c’est aujourd’hui la pulpe du coton que l’on extrait pour en produire du papier, à l’époque on se servait du coton dans sa totalité, la pulpe et le chiffon (cotton rag), ce qui en faisait un matériau beaucoup plus résistant.

Nous y voilà, vous êtes désormais passés maîtres dans l’Art de fabriquer des « cartes comme à l’ancienne » ! Alors, quelle sera votre première production ?

Sources

https://www.tampabay.com/news/hillsborough/2019/08/20/how-do-you-digitally-scan-a-world-map-from-columbus-time-very-carefully/

https://www.historyisaweapon.com/defcon1/zinncol1.html

https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/la-verite-sur-christophe-colomb-147690

https://en.wikipedia.org/wiki/Cartography#Middle_Ages_and_Renaissance

Sources Images

carte sur couverture

bannière sous intro : Gérard Depardieu, dans 1492 : Christophe Colomb, Ridley Scott (1992). | © DR

image dans le texte 1 : propriété du Tampa Bay History Center

image dans le texte 2 : Octavio Jones / Tampa Bay Times