Figer une scène de crime en 3D – YesWeScan!
Pour les experts de la police scientifique, il est désormais possible de revisiter une scène de crime ou d’accident jusque dans les plus infimes détails, sous tous les angles et sans même avoir à bouger de leur siège.
Comment ? Rien de plus simple, il suffit d’arrêter le temps, de mouler la réalité en trois dimensions et de la mettre sur un disque dur. Alors mettez vos mains sur le capot et ne bougez plus, on vous embarque… dans le XXIIème siècle.
C’était comment, avant ?
“Avant”, lorsqu’on voulait recréer précisément une scène de crime afin d’archiver les positions exactes des preuves et des indices dispersés un peu partout, il fallait s’armer d’un mètre, d’une règle, d’un papier, d’un crayon et de beaucoup de patience. Après avoir mesuré les différentes côtes on redessinait alors l’environnement, à l’échelle et vu d’au-dessus, pour y replacer exactement les preuves et les indices tels que présents sur la scène de crime. Old School.
Old school et surtout particulièrement fastidieux ; imaginez-vous le temps perdu à tout redessiner au millimètre près, langue tirée et goutte de sueur en embuscade, perlant sur le front en signe de concentration pour “ne surtout pas dépasser” !
Mais ça, c’était avant. Désormais, les experts du monde entier ont accès à la technologie de scan 3D par télémétrie laser : le Lidar. Grâce à elle, ils peuvent en un temps record (quelques minutes par point de capture) scanner leur environnement en trois dimensions et en très haute définition. Le traitement de ces données permettra ensuite de modéliser la scène pour s’y balader, l’étudier et l’analyser en totale liberté. Comme si on avait arrêté le temps.
Pourquoi est-ce aussi déterminant ?
L’étape de fixation des lieux est fondamentale. “Les premières constatations faites dans n’importe quel crime ou délit sont la pierre angulaire de tout procès” comme disait Birschoff. Considérant cela, le gel 3D de scènes de crime pourrait bien représenter la plus grande avancée depuis le développement de l’analyse ADN.
En effet, il est capital lorsqu’une scène de crime est découverte d’éviter de la polluer et de dégrader les potentielles preuves. On peut prendre des photos, noter les agencements des différents items comme expliqué précédemment, mais le fait est que chaque minute qui passe et chaque mouvement déflorent un peu plus les éléments. De plus, jamais les photos et croquis ne rendront exactement et avec précision la réalité. Les enquêteurs devaient “faire avec” comme on dit.
Désormais, le geste premier, avant toute dénaturation de l’environnement sera de planter le scanner laser à différents points stratégiques de la scène (afin d’éviter les *roulements de tambour* “angles morts”) pour capturer les alentours en trois dimensions sous la forme d’un nuage de plusieurs dizaines de millions de points. Chaque point restituant une mesure précise au dixième de millimètre.
De cette manière, après traitement du nuage en y apposant des textures pour une meilleure lisibilité, les enquêteurs auront à disposition l’équivalent d’une photographie en 3D haute définition du cadre, dans laquelle ils pourront se plonger et analyser les moindres détails. Et quand on parle de détails, cela peut être aussi subtil que le relief d’empreintes de pas, des rayures sur une carrosserie ou encore des traces de sang. Grâce à ce média on peut reconstituer beaucoup plus précisément et simplement les trajectoires balistiques, ou encore se placer sous des angles intéressants, ce qui serait impossible avec de simples photographies…
Grâce à certains logiciels comme PhotoModeler 3D, on peut même combiner le nuage de points avec des photographies d’époque pour recréer exactement l’environnement tel qu’il était lorsque le crime fût commis. Ainsi, on pourra extraire des mesures précises, que l’on avait oubliées de faire ou pas pu faire au moment de l’étude.
Des applications aussi nombreuses que diverses
En plus de son apport considérable dans le domaine de la criminologie, l’utilisation du scan 3D laser peut également s’étendre aux enquêtes sur les accidents de la route. Les services secrets eux-mêmes utiliseraient la technologie de manière préventive, pour analyser une zone et déterminer, avant une visite présidentielle, les endroits ou un malfaiteur serait susceptible de cacher armes et explosifs.
Le scan laser est également utilisé dans certains cas par le médecin légiste avant de commencer la partie de l’autopsie destructrice pour le cadavre. De simples photos des hématomes, contusions ou autres écorchures, ne rendraient pas les textures et les reliefs comme le fait parfaitement le Lidar. Ce qui serait dommageable pour la précision des informations et des données.
Déroulement d’une opération
Une fois la macabre découverte signalée aux autorités, les experts appelés Groupe d’Etat des Lieux (GEL, le bien nommé) sont déployés pour s’occuper des scènes de crime. Ils sont envoyés partout en France ou à l’étranger et ce sont les premiers sur les lieux, ce sont eux qui sont responsables de figer l’environnement dans le temps et dans la meilleure qualité possible.
Grâce à des drones permettant de récolter des photographies aériennes, il est possible de fixer des scènes de grande ampleur en couplant la méthode avec la photogrammétrie comme évoqué précédemment. Une étude balistique permettra ainsi d’hypothétiser la position du ou des tireurs par rapport à la scène.
Une fois l’environnement modélisé à partir du nuage de points, les résultats peuvent être envoyés aux différents départements criminalistiques selon le besoin : la balistique, la morphoanalyse de traces de sang, ou encore les experts en accidentologie du département véhicules. Le modèle 3D peut aussi servir lors de la reconstitution des événements, une fois l’affaire amenée au tribunal.
En France, l’Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale (IRCGN) utilise cette technologie depuis plusieurs années. Le système a par exemple été utilisé en 2012 pour la tuerie de Chevaline (quatre tués par balles sur un chemin forestier). Aux Etats-Unis, les scanners lasers ont appuyé, entre autres, les enquêteurs de la tuerie de San Bernardino.
Alors pour conclure, si vous êtes dans le métier mais que vous vous êtes tirés une balle dans le pied en choisissant de ne pas utiliser les possibilités offertes par le scan 3D laser ; à moins d’être un X-Men, bon courage pour fixer la scène de crime ! ;)